« le mauvais goût c’est le plaisir aristocratique de déplaire« , Baudelaire.
Quand on enfile son slip, et tout ce qui se met par dessus, on se raconte une histoire. Aujourd’hui je vais vous raconter une histoire, pas la mienne, celle de la sape. Le dannnnnndysme messieurs dames. Alors non, mais la Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes, oui!

D’ici venant de là.
Milieu du XIXe (promis ce ne sera pas long). Les européens, dans une double mission commerciale et colonisatrice, envoient des tonnes de vêtements d’occas, histoire de balancer de la fripe sur l’Afrique de l’ouest. Le Carreau du Temple se met bien.
Commence un mouvement, à l’époque décrit comme une fable pittoresque. Les gonz s’emparent de cette mode européenne d’une part, mais vont se l’approprier, au delà de l’apparence. Le port n’est pas à l’ajustement mais à la libre parure mélangeant couleurs et saisons.

Mais l’européen s’agace de cette aristocratie du mauvais goût (#hautdeformeetdimancheanglican). L’élégance titille la hiérarchie, se refuse du travail manuel imposé (no way d’aller se saloper la sape). C’est l’heure du retournement politique et social, bref, l’heure du bordel. Je trouve alors fascinant de noter l’intelligence du processus.
Un peu plus tard.
La sape est devenue une culture à part entière, qui porte en elle cette mémoire et cette conscience de la condition coloniale. Une partie de l’immigration africaine emporte avec elle cette mémoire, qui rejaillit à travers cette mode. C’est à dire que le sapeur des années 60 réinvesti cette pratique, cette histoire anti-coloniale dans l’anti-immigration. Comme une façon de refuser l’image de l’immigré imposée par la société française.
C’est vrai que ce n’est pas très commode pour aller bosser dans le BTP, on leur demande d’être discret, et non pas de s’intégrer.

Pour l’anecdote, dans les années 80 le bon sapeur a le look textile évidement, mais troque également son corps musculeux à son arrivée contre le corps du boss grassouillet, bien installé et prospère (et je ne vous parle pas de la calvitie). L’imaginaire forge les clichés.
Tout un monde se recrée, les vêtements, mais aussi une langue, un vocabulaire, comme un jeu de constructions mythologiques.
Alors voilà, tant que l’on continuera à se raconter des histoires, on vivra.
Bon baisers de Barbès